Déployer l’innovation : la tactique des mégotiers (1/3)
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Comment passer de la bonne idée à son application bien concrète ? C’est une problématique courante pour les innovateurs publics. Si les cahiers d’idées, scénarios prospectifs et maquettes inspirantes ont la force de renouveler les imaginaires de la fabrique des politiques publiques, il nous laissent un peu sur notre faim quand ils finissent au fond d’un tiroir, sans réelle suite. Parfois poussées jusqu’aux phases de tests, les bonnes idées peinent à passer le stade de l’expérimentation éphémère, leur mise en oeuvre étant loin d’être aussi simple qu’il n’y paraît. Ici aussi, peut-être même encore plus qu’ailleurs, on doit faire preuve de créativité et d’astuce, d’un sens de l’opportunité et d’une capacité de mobilisation.
Si on n’a pas encore trouvé la recette parfaite, certains ingrédients tactiques et mécanismes semblent être plus opérants que d’autres pour déployer une innovation ouverte. A partir de notre expérience sur le projet des mégotiers à Mulhouse*, nous avons repéré des pratiques et soulevé des questionnements qu’on aimerait partager avec vous dans cette série de trois articles.
Publié le 25 février 2019 sur le blog de la 27ème Région.
Le cas des mégotiers : de l’auto-saisine au déploiement
Testés en mai 2018, dans le cadre de la Transfo à Mulhouse, les mégotiers sont un ensemble de cendriers mobiles visant à lutter contre le jet de mégots. Conçus et testés par les agents de la Ville et de la communauté d’agglomération entre mai 2017 et mai 2018 (voir le blog pour en savoir plus sur le projet), ces dispositifs ont fait leur preuve et sont aujourd’hui en phase de déploiement sur l’ensemble du centre ville.
Une destinée d’autant plus remarquable qu’à l’origine, ce projet des mégotiers était le fruit d’une initiative d’un groupe d’agents, qui avaient maquetté sept dispositifs ludiques pour travailler la perception du centre ville par les habitants. Il s’agissait au départ d’un cas pratique sans objectif de résultat. Comment expliquer cette trajectoire ? Nous avons identifié quatre mécanismes pivots qui ont favorisé la mise en oeuvre du projet : la greffe, la culture de l’objet, le portage en relai, et le déploiement continu.
1- la greffe : un groupe transversal pour porter les idées
Qu’est-ce que c’est ? Par greffe nous entendons la nécessité pour tout porteur de projet de trouver le faisceau d’opportunités dans lequel développer sa proposition : un événement en lien avec le calendrier politique, une coopération forte, des acteurs moteurs, une thématique portée politiquement… Parmi les espaces d’opportunité existants, les groupes de travail transversaux sont particulièrement intéressants. Ils sont souvent issus d’une commande politique forte, mais aux contours parfois flous, et traitent de sujets à forte visibilité (par exemple la création d’un nouveau service public ou l’amélioration de l’accueil), malgré un calendrier serré. Opérant souvent hors des cadres administratifs habituels, ils s’accompagnent d’une injonction politique à coopérer entre services.
Dans le cas des mégotiers : ici, le bon “greffon” était un groupe transversal travaillant sur une campagne de lutte contre les petites incivilités. S’appuyant sur des actions de communication et de verbalisation, cette campagne s’est heurtée à un rejet de la population rendant impossible la verbalisation.
Le chef de projet de la Transfo puis du Labo a joué le rôle de pont entre ce groupe de travail, alors en recherche de solutions, et les agents de la Transfo, auteurs des sept propositions initiales. Au contact de cette nouvelle problématique, ces idées initialement sans projet se sont transformées : un dispositif de jeu est devenu “cendrier c’est gagné”, un jeu d’adresse pour les fumeurs l’idée d’un totem de centre ville est devenu le “mégotor”, un jaugeur géant de mégots ramassés en ville.
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