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Soutenabilités : comment outiller la volonté politique ?

Temps de lecture : 12 minutes

France Stratégie a publié le 8 mai 2022 un rapport intitulé “Soutenabilités. Orchestrer et planifier l’action publique”. Produit par Johanna Barasz, Hélène Garner, Mathilde Viennot, Julien Fosse, Émilien Gervais, Anne Faure et Emmanuelle Prouet, il est le fruit de deux ans de travaux autour de 5 champs d’action publique et de réflexions ouvertes associant chercheurs, élus, experts, entreprises, associations… 

Vraiment Vraiment a participé à la conception et à la représentation des fonctions de “l’orchestrateur”, chargé d’améliorer la cohérence des politiques publiques à l’aune des soutenabilités. Une semaine après la sortie du rapport, nous avons voulu en creuser certains aspects avec Johanna Barasz et Hélène Garner, deux des autrices du rapport.

Autrement Autrement – Les seuls arguments qui ont percé pendant la campagne de l’élection présidentielle en matière d’action publique portaient sur la critique de “l’administration administrante”, et France Stratégie propose aujourd’hui la création d’une nouvelle administration. C’est assez osé, non ?

Johanna Barasz – Le rapport propose moins la création d’une nouvelle administration que d’une nouvelle manière d’administrer et de conduire l’action publique. Nous avons la conviction que, si les enjeux de soutenabilités relèvent avant tout d’une question politique, quelqu’un qui serait Président de la République ou Premier ministre et qui serait volontaire sur ce sujet serait aujourd’hui largement empêché par le fonctionnement actuel de l’Etat. Notre proposition vient outiller un nouveau rapport entre ambition politique et moyens d’action. 

Hélène Garner – Il s’agit d’une lecture trop rapide du rapport. On ne propose pas de créer une nouvelle administration, pour créer une administration. Nous listons un certain nombre de fonctions qui doivent, selon nous, être remplies et nécessitent une forme de centralité – c’est pourquoi nous suggérons que le pilotage de ces fonctions soit placé auprès du Premier ministre. Cela appelle sans doute des réorganisations, à partir principalement d’administrations existantes qui assurent tout ou partie de ces fonctions. 

AA – Le mot choisi comme titre du rapport, “soutenabilités” au pluriel, est original : ce n’est pas forcément un mot dont on a l’habitude dans le débat français. Pouvez-vous retracer la généalogie du travail mené par France stratégie en amont de la publication du rapport ? 

HG – Suite à la mobilisation des Gilets jaunes, France Stratégie a lancé en février 2020 un séminaire consacré aux soutenabilités, avec la conviction qu’il n’était plus possible de faire des politiques publiques “comme avant” compte tenu de l’épuisement du modèle social, du cadre démocratique et de notre manière d’habiter la terre. Il nous semblait qu’il fallait imaginer des manières de mieux prendre en compte simultanément les enjeux sociaux, démocratiques et écologiques de l’action publique d’où le s ajouté à soutenabilité. 

JB – Nous avions besoin d’un concept qui nous permette de penser ensemble les enjeux environnementaux, sociaux et démocratiques. Le nom choisi, “soutenabilités”, paraissait pour cela plus intéressant que “développement durable” : il permet de déconnecter le sujet de la notion de “développement” et de prendre un peu de distance avec l’existant, le développement durable étant très institutionnalisé localement, nationalement et au niveau européen. Or, la manière dont cette institutionnalisation s’est faite l’a un peu galvaudé : on en retient aujourd’hui essentiellement la dimension environnementale, et on a un peu perdu sa vocation systémique initiale. Dans les discours politiques comme dans l’action publique, on parle rarement des questions sociales ou d’inégalités – et encore moins de démocratie et d’institution, en termes de développement durable.

En miroir, les soutenabilités permettent aussi de parler des insoutenabilités. On peut se satisfaire de politiques publiques qui ne sont pas « durables » – il est parfois légitime d’en mettre en place, comme celles déployées en urgence en réaction à la pandémie de covid. Mais, on ne peut pas imaginer et mettre en œuvre des politiques “insoutenables”. Le terme ‘soutenabilités’ permet de penser un cadrage et des limites, et à établir un référentiel c’est-à-dire une vision partagée de ces limites et de ce cadrage. Un tel référentiel a vocation à transcender les clivages politiques : c’est en son sein que plusieurs politiques publiques, plusieurs orientations, plusieurs chemins, sont possibles. Mais sortir du cadre entraîne forcément des insoutenabilités. Nous avons cherché à articuler des paramètres impondérables avec la reconnaissance de la pluralité des préférences collectives, indispensable pour avoir une chance d’atteindre les objectifs climatiques dans un cadre démocratique. 

HG – Nous avons donc cherché les conditions d’une action publique et de politiques publiques soutenables, c’est-à-dire durables, systémiques et légitimes. Ce dernier terme est important, car nous insistons beaucoup dans le rapport sur le caractère démocratique des politiques publiques, qui nous semble à renforcer, avec une meilleure articulation entre délibération citoyenne, démocratie sociale, démocratie parlementaire et fabrique des politiques publiques. 

AA – Pouvez-vous nous parler de la méthode de travail choisie ? 

HG – Le séminaire s’est organisé sur deux ans en plusieurs cycles. Le premier a permis de cartographier l’existant. Nous avons constaté qu’il y a énormément de choses qui s’imaginent et se font, y compris pour avoir une vision transversale et systémique des politiques publiques, mais qu’il s’agit de processus qui sont trop “à côté” de la prise de décision publique. Cela génère beaucoup de reporting, mais peu de transformation, et en outre conduit à une dilution des moyens sans que l’on atteigne les objectifs fixés, en matière climatique par exemple. 

Le deuxième cycle a permis l’ouverture du “capot” de certaines politiques publiques, passées au crible des soutenabilités. Nous avons travaillé sur la protection sociale, la santé au travail, le numérique, le nucléaire et la santé, afin d’identifier les freins et les résistances à des politiques publiques décloisonnées, et voir ce qui empêche l’Etat de mener des politiques soutenables de long terme.

Enfin, le troisième cycle s’est articulé autour d’une séance de travail avec une centaine de personnes pour mieux identifier des leviers d’action en fonction des moments de la fabrique des politiques publiques, et il s’est conclu par la production du rapport. 

JB – Nous avions besoin avec ce troisième cycle de remonter en généralité, et de représenter les formes que pourrait prendre une institutionnalisation des questions que l’on traitait. Nous n’avions pas d’idée toute faite de ce qu’il fallait proposer, et l’idée de “l’orchestrateur des soutenabilités” n’était pas du tout dans nos têtes au départ de ce troisième cycle. C’est, je pense, une des forces de ce rapport : nous avons été sincères dans le cheminement, et les propositions sont ancrées dans le diagnostic. Nous n’avons pas post-rationalisé un diagnostic pour justifier des propositions ficelées. 

AA – Parmi ces propositions, il y a la mise en place d’une “stratégie nationale des soutenabilités”. Là aussi, n’est-ce pas rajouter une couche technocratique à un écosystème qui n’en manque pas ? 

HG – Cette stratégie nationale des soutenabilités porte en elle un renouvellement de la planification, qui nous est apparue comme un levier central de la réorganisation de l’Etat. Nous avons recensé dans le rapport une cinquantaine de “stratégies” et de “plans” existants (sans garantie d’exhaustivité !). Ce qui manque ce ne sont donc pas les plans, c’est une cohérence d’ensemble et une articulation entre eux sans laquelle on constate une énorme perte d’énergie. La stratégie nationale des soutenabilités serait la traduction d’une volonté politique en objectifs, indicateurs et moyens d’actions. Au centre, il y a évidemment les objectifs de décarbonation, qui relèvent d’engagements internationaux de la France et sur lesquels on ne revient pas, mais il faut absolument leur adjoindre de façon cohérente des objectifs sociaux et démocratiques.

JB – La stratégie nationale des soutenabilités serait également opposable. Si l’on regarde la “stratégie nationale bas carbone” (SNBC), il y a, sur le papier, tout ce qu’il faut pour réussir : des objectifs, un calendrier, une déclinaison par secteur… Mais au-delà des objectifs considérés par certains comme insuffisants, elle n’est pas un référentiel pour les politiques publiques. Si elle n’est pas respectée (et elle ne l’est pas), on ne respecte pas nos engagements. C’est la faiblesse d’une approche par l’arbitrage de la fabrique des politiques publiques : on en vient à arbitrer entre la SNBC et d’autres priorités, souvent au détriment de la première. Nous proposons une approche plus intégrée, qui suscite de la coopération autour d’objectifs de long terme. 

AA – L’élection présidentielle est passée, les législatives sont dans quelques semaines. Quel devrait être le calendrier de la mise en place d’une telle stratégie nationale, selon vous ? 

JB – Soyons clairs, il y a un décalage entre l’urgence à agir et le temps nécessaire pour de telles transformations, mais on l’assume. Il y a un cadre normatif à construire, pour organiser les pouvoirs publics autour des soutenabilités, mettre en place l’orchestrateur et lui donner des moyens d’action de moyen terme, articulés autour du rythme politique du quinquennat : si on est réalistes, cela prend bien plus que quelques semaines. On peut imaginer consacrer la première année à construire ce dispositif. On parle d’une véritable transformation, donc il est légitime de prendre un peu de temps pour la mener. Le temps manque, face aux urgences climatiques, mais il manquera encore plus si on est totalement incapables d’agir parce que la décarbonation aura été tentée à marche forcée et que le pays est à feu et à sang : c’est ça que nous voulons éviter, fondamentalement. 

AA – Emmanuel Macron s’est engagé pendant la campagne à gouverner avec un “grand débat permanent” avec les Français. Comment est-ce que cela peut s’articuler avec la planification écologique ?

HG – Il faut être attentif à clarifier les débouchés pour que ce grand débat permanent ne soit pas une manière de dissimuler des réformes derrière une pseudo-concertation qui ne permettrait pas d’assurer la conception et la mise en œuvre de politiques durables, systémiques et légitimes. Il doit y avoir des moments de discussion, de délibération sur les options possibles et aussi de mise en visibilité des dissensus, des conflits de soutenabilités qu’elles portent. Et il doit y avoir ensuite des moments de décision puis d’action. C’est cette articulation qu’on appelle le ‘continuum délibératif’. On ne peut pas débattre sans cesse mais il faut du débat préalablement à chaque décision structurante. Et le débat fondateur de la stratégie nationale c’est celui des élections présidentielle et législatives. C’est là que doivent émerger nos préférences collectives qui guideront les objectifs de la stratégie nationale.

Ce qui doit être débattu ensuite ce sont les chemins pour atteindre ces objectifs, car il n’y en a pas qu’un et ils doivent être discutés avec les citoyens puis faire l’objet d’un travail parlementaire. C’est cette articulation qui doit aujourd’hui être repensée pour en faire un véritable préalable à la décision. 

JB – Qu’il y ait en permanence des espaces de débat, c’est bien. Mais attention toutefois, une délibération, ça doit se conclure, et ça se conclut par des décisions qui donnent lieu à action. Il faut faire attention à ne pas créer de fatigue de la participation. Multiplier les espaces et les moments de concertation c’est parfois multiplier les occasions pour les mêmes gens de dire les mêmes choses, sans que cela ne permette de raccrocher les citoyens qui se tiennent éloignés de la fabrique de l’action publique et qui ne participent pas à ces dispositifs.

Au fond, c’est aussi la démocratie représentative, qu’il faut réformer. On l’a vu pendant le cycle 2. Une séance de travail portait sur la question “A quelles conditions peut-on débattre du nucléaire ?” En relisant le cahier ensuite, on s’est aperçu qu’on avait écrit qu’à la fin, c’est le Parlement qui doit trancher. Mais c’est un peu hypocrite, d’opposer ainsi les citoyens et le Parlement dans ce domaine : on sait bien qu’en matière nucléaire, ce n’est pas le Parlement qui décide. De même à la fin de la Convention citoyenne, on peut se demander si finalement, le problème était réellement entre les citoyens et les parlementaires, ou plutôt entre les citoyens et l’exécutif. L’enjeu du continuum délibératif, c’est d’éclairer le Parlement avec le résultat des délibérations citoyennes, et pour cela, il y a des conditions à respecter  en termes de  calendrier du travail parlementaire (il faut donner du temps aux Assemblées pour travailler), de participation des élus aux espaces de délibération citoyenne pour qu’ils comprennent ce qui conduit à tel ou tel résultat, de moyens d’expertise et de contre-expertise du Parlement…Tous ces éléments sont aussi déterminants que la qualité des processus de participation citoyenne. 

AA – Comment l’orchestrateur peut-il renouveler la manière de faire interface entre politique et administratif ? 

HG – C’est le cœur du sujet du rapport : on n’est pas là pour se substituer à la volonté politique, mais pour l’outiller. Les connaissances scientifiques existent – la question est celle de leur traduction en langage opérable politiquement. Et c’est tout le travail d’une institution comme France stratégie (on y avait d’ailleurs déjà réfléchi avec le rapport sur la crise des relations entre expertise et démocratie). L’organisation de l’Etat doit ensuite être en capacité de déployer cette vision avec là encore des outils et des processus renouvelés, intégrant la question des limites, mais aussi des manières de résoudre les conflits de soutenabilités. C’est moins une affaire de formation que de « culture » au sens large : une façon d’appréhender le monde avec des outils renouvelés.

JB – Un référentiel pour les politiques publiques, c’est politique, le but n’est pas d’être “neutre”. La démocratie et le politique s’appuient sur des grands cadres de référence, qui varient en fonction des périodes mais ont vocation à dépasser à la fois les frontières des partis et la durée des mandats. 

On parle donc d’un niveau de politisation qui se situe au niveau du contrat social – au sein duquel, bien entendu, il peut y avoir des chemins distincts, rivaux, c’est une condition de la démocratie. Au cœur de nos préoccupations, il y a la volonté d’éviter un “TINA” climatique, qui ne mènerait nulle part. Mais pour cela, il y a un consensus minimal du contrat social qu’il faut construire, et il nous semble que l’intégration à la fabrique des politiques publiques des limitesest la meilleure manière de fixer un cadre commun à l’intérieur duquel se disputer, voire se combattre. 

AA – Si ce séminaire était à refaire, que feriez-vous de différent ? 

HG – On peut dire qu’on n’a pas manqué de matière à traiter, et en deux ans nous avons recueilli une masse considérable de témoignages, d’analyses, d’expériences, notamment au niveau territorial … La question des territoires mérite néanmoins d’être encore approfondie, même si on l’aborde dans le rapport, notamment pour parler de la contractualisation renouvelée qu’il faut construire entre Etat et collectivités locales à l’aune de la stratégie nationale. Il faut davantage réfléchir à ce que devrait être l’action de l’Etat dans les territoires, en termes de missions comme de compétences, et comment mieux articuler son action avec les collectivités dans une perspective de planification. C’est d’ailleurs d’autant plus intéressant que les territoires saisissent aujourd’hui souvent bien mieux que l’Etat les notions de limites. 

JB – Oui, il n’est pas certain que l’Etat ait grand-chose à apprendre aux collectivités en matière d’approche systémique notamment, il y a une avance importante de beaucoup territoires en la matière. Mais c’est un travail à part entière qui reste à mener, pour élargir la focale à l’action des collectivités. On a préféré prendre acte et assumer notre positionnement au cœur de l’Etat central, avec des réponses et des propositions situées. 

AA – Pour autant, est-ce que la lecture du rapport tel qu’il a été publié est susceptible d’intéresser un élu ou agent local ?

HG – Oui, en tous cas on l’espère ! Un des objets imaginé et détaillé dans le rapport est “l’enquête de soutenabilités”, un outil pour faire de l’évaluation in itinere d’une politique ou d’un dispositif public et analyser sa cohérence avec une stratégie de soutenabilités. C’est un outil qui permet d’ajuster, voire d’arrêter, un dispositif qui aurait des impacts insoutenables. Nous avons imaginé une maquette de cet outil, pas encore testée, mais qui peut inspirer tous les acteurs d’une politique ou d’un dispositif, y compris bien entendu au sein des collectivités territoriales. 

JB – Il y a un autre outil dans le rapport, qui est la déclinaison sous forme de questionnements, des fonctions de l’orchestrateur des soutenabilités pour des organisations de nature et d’échelle très différentes. C’est totalement déclinable dans des collectivités locales.

Nous aurions maintenant envie de travailler ces outils et de les tester avec leurs usagers potentiels, pour en faire un véritable kit qui soit exploitable et utile au plus grand nombre d’agents publics possible, quand bien même l’Etat ne se ré-organiserait pas dans les 6 mois qui viennent en intégrant l’orchestrateur. 

Par ailleurs, le rapport est aussi intéressant pour sa dimension « référentielle », quasiment culturelle, autour de ces questions. La partie diagnostic a une valeur en elle-même, c’est une manière de poser la question des limites. Il y a besoin que les collectivités le lisent, se l’approprient, le discutent, le critiquent. 

AA – Pour vous accompagner dans la préparation de ce rapport, vous auriez pu avoir recours à un cabinet de conseil (et ne pas le dire), vous avez choisi d’avoir recours à une agence de design des politiques publiques (Vraiment Vraiment) et de l’assumer. Qu’est-ce qui vous a semblé intéressant dans l’approche par le design, pour imaginer un objet comme l’orchestrateur des soutenabilités ? 

HG – Nous ne sommes pas du tout opposés à ce que l’Etat ait recours à des compétences qu’il n’a pas, et qu’il n’a pas vocation à avoir, en interne. Mais pour décider quelles compétences doivent être détenues en interne et lesquelles on va chercher au dehors, il faut d’abord avoir une discussion sur les missions de l’Etat et sur les compétences dont il a besoin pour pouvoir les conduire. La diversité et l’ampleur des crises et des transformations qui sont devant nous doit en effet conduire la puissance publique à s’interroger sur les compétences stratégiques qui lui permettront de les anticiper, de les prévenir et/ou d’en atténuer les effets, et de les gérer.

Clairement, certaines compétences méritent d’être développées – par exemple, en matière d’anticipation et de prospective, voire en partie internalisées comme en matière de maintenance de ses systèmes numériques. Le risque est de désarmer l’État si on ne lui donne pas les moyens de maîtriser toutes les dimensions de ses politiques 

JB : En effet, nous n’avions pas d’intérêt à travailler avec un cabinet de conseil lambda – et l’avoir dit : cela ne correspondait pas à notre besoin, d’avoir des conseils de gens dont ce n’était pas le métier de traiter les questions qui nous préoccupaient, ou en tous cas pas plus leur métier que le nôtre. En revanche, on assume d’avoir travaillé avec Vraiment Vraiment : pour mener à bien le cycle 3, nous avions à la fois besoin de monter en généralité, d’animer un travail collaboratif de convergence et de représenter concrètement les formes que pourrait prendre l’institutionnalisation des questions que l’on traitait. On n’avait pas d’idée toute faite, l’idée de créer “l”orchestrateur” n’était pas du tout cristallisée, et c’est en donnant progressivement chair à des choses assez conceptuelles que l’idée a mûri. Le travail avec les designers a favorisé cette maturation. 

AA – Que vous inspirent les premières réactions au rapport dans la presse et au-delà ? 

HG – Dans la presse, nous avons une satisfaction : quand on regarde les illustrations choisies pour accompagner les articles sur le rapport, il y a une grande diversité iconographique. Il y a des photos des gilets jaunes, de manifestations de jeunes pour le climat, de l’Assemblée nationale, de biodiversité… Cela illustre la diversité des enjeux de conflits de soutenabilité que l’on traite dans le rapport, et cela montre que le message est bien passé de quelque chose qui dépasse la seule planification écologique. Et nous avons eu aussi plusieurs réactions d’acteurs territoriaux qui ont envie de discuter de l’orchestrateur et de la place des villes, des régions, des agglomérations dans ce schéma.

JB – Nous avons aussi des réactions très favorables de la communauté qui a participé aux travaux ces deux dernières années. Dans les administrations, une version préliminaire du rapport avait circulé avant sa publication. C’est frappant, dans les réactions, de voir comment les lecteurs ont “picoré” dans le rapport, avec une assez grande facilité à se projeter et à projeter leur institution dans ce qui est proposé. 

AA – Quelles sont les prochaines étapes ? 

JB – Nous n’avons pas encore complètement “atterri” !  Il y a une « marque » Soutenabilités, qui a vocation à abriter la poursuite de ces réflexions, sur le volet territorial comme pour passer au crible un certains nombres de dimensions de l’action publique et de politiques sectorielles sur le modèle de ce qu’on a fait avec les cahiers des Soutenabilités du cycle 2. Maintenant qu’on a le référentiel, on peut revenir vers les politiques sectorielles pour les analyser et proposer des évolutions. 

On peut aussi, pour aller plus loin, développer la dimension “soutenabilités” dans notre cœur de métier, l’expertise et la prospective – ce qui est un peu ce qui est décrit dans la fiche 3 de l’orchestrateur. 

Parallèlement, il y a matière à poursuivre la construction d’outils, à les enrichir et à les tester avec celles et ceux qui ont vocation à les utiliser. Ce serait relativement nouveau pour France Stratégie, et cela pourrait aller de pair avec une nouvelle manière de faire de la prospective et de l’évaluation.

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