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«L’urgence : redistribuer l’attention de l’action publique» – Entretien avec Manon Loisel et Nicolas Rio

Temps de lecture : 13 minutes

A l’occasion de la sortie de leur livre « Pour en finir avec la démocratie participative » aux éditions Textuel, nous nous sommes entretenus avec Manon Loisel et Nicolas Rio, chercheurs en science politique et praticiens de la démocratie locale au sein de leur agence Partie prenante. Une discussion qui pétille et qui invite à prendre des mesures radicales – à commencer par un « moratoire sur les démarches de participation citoyenne ».

Vous voulez en finir avec la démocratie participative. Que lui reprochez-vous ?

Nicolas Rio – Ce que nous mettons en cause, c’est la fausse promesse de renouveau démocratique.  C’est souvent la manière dont la démocratie participative est présentée : une solution à notre démocratie en crise. Ce que nous observons sur le terrain, c’est que non seulement les démarches de participation se montrent impuissantes à transformer les institutions et le contenu des politiques publiques mais que bien souvent elles contribuent à accentuer les travers de la démocratie représentative, tant en termes de défiance et de distance entre citoyens et élus qu’en matière d’inégalités d’accès au débat démocratique. 

Manon Loisel – Cela fait 10 ans que nous travaillons sur ces questions et il y a eu un moment de bascule avec l’organisation du « grand débat » à la suite du mouvement des gilets jaunes. Ce passage des gilets jaunes au débat institutionnalisé a entraîné un changement de casting très important : là où les rassemblements sur les ronds-points avaient eu le mérite de faire émerger des paroles assez peu entendues dans le débat public, de personnes assez variées, éloignées de l’action publique et des élections, les personnes qui ont participé aux rencontres du grand débat n’étaient plus du tout les mêmes. Elles correspondaient davantage aux citoyens qui font entendre leur voix par les urnes. Les fameux « toujours les mêmes » des démarches participatives. 

L’autre moment important pour nous, c’est la Convention citoyenne pour le climat, qu’on a vu arriver en se disant « ça y est, il se passe quelque chose! ». Parmi les professionnels de la participation citoyenne, c’était plutôt un moment d’enthousiasme, fondé sur l’impression qu’on allait prendre le temps de mener un processus qualitatif, d’avoir un panel représentatif, etc. Quelle gueule de bois, quand on voit ce qui reste aujourd’hui des propositions faites par les 150 ! Force est de constater que la déception est plus grande que l’espoir que cela avait pu susciter.

Nicolas – L’objet du bouquin est d’utiliser ces deux expériences comme un miroir grossissant de ce qu’on observe et de ce qu’on accompagne en tant que praticiens au niveau local, pour nous inviter à être plus lucides et critiques sur ces dispositifs qui se multiplient dans toutes les strates de l’action publique. 

Pour être précis, est-ce que vous considérez que la démocratie participative a été dévoyée, et peut être réparée, ou est-ce que fondamentalement il faut passer à autre chose ?

Manon – C’est moins un problème de dévoiement ou d’insincérité des acteurs qu’un problème fondamental qui conduit à saucissonner notre démocratie entre une démocratie représentative d’un côté et participative ou contributive de l’autre, alors qu’il n’y a qu’une démocratie. Accoler les termes « démocratie » et « participative » est en soi problématique car cela en fait un espace isolé, sans prise sur la transformation de l’action publique. Pour nous, la quête est avant tout celle de la démocratisation de l’action publique.  

Nicolas – On n’aurait sans doute pas choisi ce titre-là il y a 10 ans ou 15 ans. Ce qui était un combat pour transformer les institutions et donner plus de place aux citoyens dans la fabrique de l’action publique est devenu une injonction bureaucratique à la limite de l’absurde. C’est avec cette injonction que l’on aimerait en finir. Commençons par appuyer sur « pause », sortons de cette fuite en avant qui conduit à multiplier les dispositifs de démocratie participative. 

Manon – Une des premières propositions de l’ouvrage est de décréter un moratoire sur les démarches de participation citoyenne, pour prendre le temps de regarder de la manière la plus lucide possible ce que ça produit. 

Vous écrivez que plus de participation aboutit à moins de démocratie. N’est-ce pas paradoxal ?

Nicolas – Il y a plusieurs aspects qui nous amènent à écrire cela. Le premier porte sur la question de l’égalité démocratique et du principe « une personne une voix ». Les dispositifs participatifs ont plutôt tendance à renforcer les inégalités démocratiques qu’à les réduire. La sociologie des participants à ce type de dispositif est bien connue et elle est assez homogène. En moyenne, ce sont des personnes les plus diplômées et les plus âgées, parce qu’il faut être à la fois disponible et se sentir légitime pour s’exprimer. Ce qui est problématique c’est que non seulement ce public est peu représentatif de la diversité dans la société mais qu’en plus il se superpose au profil de ceux qui votent. Il redouble ainsi le problème de l’abstention. Il est aussi superposé au profil sociologique de ceux qui sont élus ou a minima de celles et ceux qui se présentent aux élections et vient donc aussi accentuer le déficit de représentativité de nos assemblées politiques et alimenter leur biais de confirmation. Ce qu’on observe dans les réunions publiques, les conventions citoyennes ou les consultations en ligne, c’est que les institutions (que ce soit les élus ou les administrations) ont tendance à ne retenir que ce qu’elles étaient prêtes à entendre au départ. 

Manon – Pour reprendre l’exemple des gilets jaunes, le mouvement peut être lu avec du recul comme une expérience d’expression démocratique assez intéressante. Et le moment où la « participation citoyenne » vient institutionnaliser l’expérience, via le grand débat, conduit à perdre des gens, nombreux, qui ne participent plus. 

Nicolas – La mise en avant de la parole citoyenne à travers ces dispositifs participatifs contribue à invisibiliser un certain nombre de citoyens et notamment les plus précaires. On peut aussi bien prendre les exemples des conseils de quartier ou des budgets participatifs : ceux qui se saisissent de ces dispositifs sont les personnes les plus en contact avec les institutions publiques, les plus inscrites dans la vie démocratique locale et nationale. Ça se joue donc souvent à leur profit, et aux dépens de celles et ceux qu’on ne retrouve pas dans ces dispositifs.

L’enjeu est-il de faire davantage parler les citoyen·nes, ou d’apprendre à mieux les écouter ?

Manon – Dans le livre on reprend une citation de Bruno Latour, qui écrivait que le problème de notre démocratie, c’est qu’on a des muets qui tentent de s’adresser à des sourds. On a l’impression que la démocratie participative se focalise sur l’expression des citoyens et donc sur le fait de rendre la parole à des « muets ». Mais si on rend la parole à des muets alors que les sourds le demeurent, il nous semble que ça va plutôt augmenter la frustration, la défiance et la colère.

Selon nous, un des enjeux centraux est donc l’amélioration de la capacité d’écoute des institutions publiques – autant des élus que de l’administration. Ce n’est pas rien, de travailler cela dans des routines qui sont très bureaucratiques, techniques. Dans l’ouvrage, nous proposons plusieurs pistes pour y parvenir. 

Nicolas – Au début de l’écriture du livre, on avait une formule en tête : « Faire parler n’engage à rien alors que l’écoute oblige ». Nous nous sommes beaucoup questionnés, pour chercher en quoi l’écoute oblige, et comment faire pour rendre l’écoute opposable. Notre conclusion c’est que finalement, ce qui rend l’écoute des citoyens opposable, c’est l’existence de contre-pouvoirs pour forcer les institutions à dépasser leur biais de confirmation qui les conduit à n’écouter que ce qu’elles sont prêtes à entendre. D’où l’importance, par exemple, d’une presse libre et indépendante (qui manque cruellement à l’action publique locale), d’où l’importance aussi du mouvement social mis en péril par la répression du droit à manifester.

Manon – L’écoute à construire n’est pas « tous azimuts », c’est une écoute redistributive : il faut que les institutions prennent conscience qu’elles ont ce biais de confirmation et qu’elles ont tendance à écouter et à sur-représenter une partie des usagers. Nous avons été très marqués par une mission que l’on avait faite avec Vraiment Vraiment autour de Caen, au cours de laquelle nous avions réalisé un jeu pour explorer la vision qu’avaient les élus des habitants de leur territoire péri-urbain : il y avait toute une partie des habitants du territoire qui était totalement ignorée, c’est à dire que les élus n’avaient pas conscience qu’ils vivaient là et ne les représentaient donc pas. 

L’écoute n’est donc pas seulement un changement de posture, une porte ouverte. C’est une transformation profonde de l’administration et du travail des élus via le développement d’une attention redistributive. Il s’agit pour les administrations d’identifier les usagers qu’elles entendent le moins, de se donner les capacités d’avoir accès à leur parole pour faire entrer leurs vécus dans la construction de l’action publique. 

Vous citez le Défenseur des droits comme un exemple intéressant de ce dispositif d’écoute des citoyen·nes. Pouvez-vous décrire son originalité dans le paysage institutionnel français ?

Nicolas – L’écoute telle qu’organisée par le Défenseur des droits (DDD) intervient à partir d’une situation de conflit, de tension entre les citoyens et une institution, un service public. Cette écoute passe soit via un canal numérique, par le site du DDD, soit via des délégués bénévoles qui sont présents sur tout le territoire. C’est avant tout des personnes qui prennent le temps d’écouter, de manière inconditionnelle et sans jugement a priori, le sentiment d’injustice exprimé par un citoyen ou une citoyenne.  Le DDD aide ainsi à passer d’un vécu subjectif  à une analyse juridique, qui permet d’engager une médiation avec l’administration mise en cause et de transformer les situations. Au-delà des situations personnelles, il y a un travail de consolidation à l’échelle collective, qui permet d’interpeller les pouvoirs publics sur des phénomènes qui ne sont pas suffisamment pris en compte. C’est ce qui a conduit le DDD à produire des interpellations fortes sur des aspects peu reconnus par ailleurs par les institutions, qu’il s’agisse des conséquences de la dématérialisation des services publics en matière d’accès au droit, des violences policières ou des discriminations. 

En donnant du poids à la parole des citoyens, le Défenseur des droits nous semble une piste plus transformatrice de l’action publique qu’une consultation citoyenne, aussi large soit-elle. Même si nous sommes conscients que cette autorité indépendante ne suffit pas, à elle seule, à rendre l’écoute opposable.

Un·e élu·e ou une institution qui se lance dans une démarche de concertation citoyenne va avoir tendance à le raconter comme une prise de risque ou comme une preuve d’ouverture, y compris à la critique. Pourtant, vous démontrez le caractère assez inoffensif de ces démarches.

Manon – Ce que nous constatons, c’est que l’accent est mis par les commanditaires des démarches de concertation sur leur qualité méthodologique. Cela conduit les élus à endosser un rôle de « super chef de projet » pour vérifier que le calendrier est tenu, que le protocole et la méthode sont respectés, que les outils conviennent, qu’il y a « assez de monde » à la réunion citoyenne, etc. On a plutôt l’impression qu’il y a une bureaucratisation de ces démarches, davantage qu’une véritable prise de risque politique. Les élus se retrouvent à administrer la démocratie participative alors qu’on attend plutôt d’eux qu’ils démocratisent l’action publique. 

Nicolas – Cette bureaucratisation que décrit Manon nous interpelle en tant que professionnels de l’innovation démocratique : dans quelle mesure notre fonction d’accompagnement de ces démarches consiste à réduire la prise de risque, à faire en sorte que ces démarches soient les plus balisées possibles ? Alors que ce qui fait le fondement de la démocratie, c’est qu’on ne peut pas écrire à l’avance ce qui va sortir de la discussion ou du vote. 

On ne fait pas un procès d’intention aux élus ou aux services qui pilotent ces démarches. Même quand les intentions sont bonnes, on reste dans une forme de recherche de maîtrise de ces dispositifs, ce qui fait qu’ils ne sont pas des contre-pouvoirs. Ce qu’on montre dans le livre, c’est que ces dispositifs ne peuvent pas être des contre-pouvoirs car ils trouvent leur légitimité dans l’institution qui en est à l’initiative. La Convention citoyenne sans la lettre de commande du Premier ministre, ce n’est rien d’autre que 150 citoyens réunis dans une salle. Et, sans surprise, la capacité de 150 citoyens réunis dans une salle à engager un rapport de force avec des administrations ou des lobbies est assez limitée. 

Cela nous interroge aussi dans notre posture de prestataires qui accompagnons ces démarches : quand on cherche à s’autonomiser du cadre institutionnel du commanditaire pour être les plus fidèles possibles à ce qu’on a entendu dans les espaces d’expression citoyenne, on est vite rappelé à l’ordre et renvoyé à notre positionnement de prestataires et à ses limites. Ce sont précisément ces rappels à l’ordre qui nous ont donné envie d’écrire ce livre. Le bouquin n’est pas un guide des bonnes pratiques que nous aurions inventées mais plutôt le récit de nos frustrations et de nos échecs face au plafond de verre auquel on se retrouve confrontés comme consultants. 

Si la participation citoyenne ne représente pas un contre-pouvoir, son essor intervient à un moment où les corps intermédiaires, eux, sont plutôt malmenés, par la baisse des subventions, la mise à distance voire parfois la pénalisation de leur action. 

Manon – En effet, ce qui nous pose problème c’est que le succès de la démocratie participative cohabite avec un mouvement de régression voire de répression des mouvements sociaux. On pense à la fin de l’agrément pour une association comme Anticor, aux difficultés rencontrées par la Ligue des droits de l’homme, aux interdictions de manifester en soutien au peuple palestinien… Nous craignons que la démocratie participative ne serve de diversion pour faire oublier le sort qui est fait à ces mouvements, qui sont de véritables contre-pouvoirs nécessaires à la démocratie. 

Vous parlez de « faire entrer l’administration en démocratie ». Que voulez-vous dire ?

Manon – Nous faisons l’hypothèse que s’il y a un dialogue de sourds entre citoyens et institutions, c’est qu’il manque un acteur central dans la discussion : l’administration. On a tendance à surestimer le poids du politique et à sous-estimer le poids stratégique de l’administration dans le fonctionnement démocratique. La plupart des gens connaissent leur maire mais n’ont aucune idée du nom du DGS (directeur général de services, ndlr) de leur collectivité. Il y a 4,5 millions d’agents publics, dont 2 millions dans les collectivités locales. On sait que ce sont des acteurs centraux dans l’exercice démocratique du quotidien mais ils sont totalement invisibilisés dans le dialogue entre les citoyens et les élus. 

Nous travaillons par exemple en ce moment dans un territoire périurbain dans lequel on a une équipe technique très dynamique faite d’agents très motivés mais un peu déprimés d’avoir face à eux des élus qu’ils considèrent pas assez impliqués par leur mandat. Au quotidien, on se rend compte là-bas que ce sont les agents et les services techniques qui décident des principales orientations. Parce que ce sont eux qui répondent aux appels à projet de l’État, qu’ils connaissent les ficelles des principaux financements, etc. 

Nous considérons donc que les agents publics ont un poids énorme dans la construction de l’action publique au quotidien et qu’il est donc temps de les intégrer dans le dialogue citoyen. 

Nicolas – Ça me rappelle le papier publié il y a longtemps sur Autrement Autrement au sujet des RIM, les réunions interministérielles. C’est aussi dans ces enceintes que se joue notre démocratie. C’est le malaise que nous avons avec tous les débats sur la 6ème République : oui, il faut trouver le moyen de démocratiser le Parlement mais il faut aussi trouver les moyens de démocratiser Bercy. Le ministère des finances et son administration continuent de fonctionner comme une forteresse. Souvent, cette démocratisation de l’administration demeure l’angle mort de toutes les discussions sur les réformes institutionnelles. La question de la décentralisation et du fonctionnement des collectivités locales revient à l’agenda, on verra si la question de la démocratisation des administrations est abordée aussi. 

Manon – Cette question conduit aussi à poser celle de la contre-expertise au sein de la fabrique de l’action publique. Quand on voit les débats sur l’A69 et les prises de position en off de certains agents haut placés… C’est presque impossible d’assumer et de faire entendre en interne – ou en tant que prestataire – des voix techniques discordantes. 

Le design des politiques publiques cherche à contourner ou dépasser plusieurs limites de la participation citoyenne  (participation des inaudibles, lien entre la démocratie et l’action publique/l’administration, attachement à produire « quelque chose » à l’issue d’une discussion, etc.). À quelles conditions est-ce que le design des politiques publiques, et plus généralement les acteurs de l’innovation publique, peuvent être utiles dans la réponse aux problèmes que vous pointez ?

Nicolas – Il y a deux conditions, ou inflexions, qui nous semblent importantes. La première est de se mettre au service de la redistribution de l’attention portée par les institutions en faveur des inaudibles, comme ça avait été le cas lors de la mission dont Manon parlait, près de Caen, qui avait donné lieu à la conception d’un “Qui est-ce ?” pour donner à voir aux élus les habitants qu’ils ne voyaient pas.

La deuxième est de faire porter les efforts au « cœur du réacteur » et sur le fonctionnement interne des institutions, pour transformer le fonctionnement des lieux de pouvoir – les exécutifs, les assemblées, les « copil »…

Manon – Oui, il faut mettre les efforts aux endroits où il y a des capacités de transformation et donc là où il y a du pouvoir. Pas seulement à la marge. 

Nicolas – En résumé, soit on travaille à renforcer les contre-pouvoirs, mais dans ce cas on travaille réellement pour eux, parce que travailler pour un contre-pouvoir avec un financement du pouvoir, ça atteint vite ses limites. Soit on assume de travailler pour les institutions, à la condition de faire passer le message « Transformez-vous vous-mêmes ! » et d’y travailler vraiment. 

Un passage très juste du livre porte sur l’aridité des enceintes politiques, qui ne sont plus du tout des lieux de délibération, mais des chambres d’enregistrement, où l’on vote au pas de course – et en faisant autre chose – des délibérations préparées d’avance. Est-ce que la désignation et la participation des élus sont à réinventer, elles aussi ?

Manon – L’innovation démocratique s’intéresse aujourd’hui beaucoup au tirage au sort mais plutôt pour constituer des panels dans des démarches participatives à la marge des espaces de décision. Nous considérons que c’est une modalité intéressante à condition de permettre de renouveler les assemblées délibératives et décisionnaires. Nous proposons donc, après chaque élection, de conduire un tirage au sort doublement correctif : sociologiquement, du profil des personnes élues au suffrage universel (si on a élu des personnes âgées et diplômées, on devra aller chercher des personnes plus jeunes et moins diplômées via le tirage au sort), et politiquement, de l’abstention. On ne peut plus considérer que l’abstention n’est un problème que le soir de l’élection, puis dès le lendemain on fait comme si tout le monde s’était exprimé dans les urnes. Tirer au sort à proportion de l’abstention est une bonne manière de faire de nouveau exister les abstentionnistes dans le débat. C’est aussi une manière de faire monter en qualité les campagnes électorales en disant aux candidats « il faut que vous soyez à la hauteur, parce qu’il si vous ne l’êtes pas, il y aura de l’abstention, et donc il y aura davantage de place pour des personnes tirées au sort que vous ne connaissez pas dans l’assemblée ». 

Nicolas – Notre livre est davantage un livre sur la démocratie représentative que sur la démocratie participative, parce que nous pensons que le combat pour la démocratisation de l’action publique se fait aussi et avant tout sur la question de la représentation. 

Merci pour cet échange. Il va falloir qu’on vous laisse, on a un comité de pilotage à préparer pour demain. Vous en pensez quoi, des copil, vous ?

Nicolas – L’objet COPIL illustre bien le décalage entre l’ingénierie des dispositifs de participation et l’absence de réflexion sur le fonctionnement interne des institutions. Le COPIL est omniprésent dans la fabrique de l’action publique mais c’est un impensé en termes de démocratie. Il incarne le flou sur le partage des rôles entre le technique et le politique. On compte sur les élus pour démocratiser l’administration et ils viennent plutôt administrer la démocratie, en questionnant sur des points méthode ou de process. Ils passent ainsi à côté de la fonction qui est la leur, de politiser l’action publique en donnant à voir les espaces de choix et les controverses qui s’expriment au sein de leur population. 

Manon – On propose de remplacer les « copil » par des « copol », des comités de politisation, pour en faire des espaces de débat entre les élus, entre les élus et les agents, sur les marges de manœuvre technique. On prend l’exemple de la gestion de l’eau dans le livre comme sujet perçu comme technique alors qu’il est éminemment politique. Remplacer le pilotage par la politisation, on pense que ça fait partie des petites propositions du livre qui peuvent être mises en œuvre assez rapidement par l’ingénierie interne aux administrations. On n’attend pas le grand soir institutionnel, on peut faire des choses dès maintenant !

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Pour aller plus loin, Manon Loisel et Nicolas Rio proposent aux membres de la communauté de l’innovation et de la transformation publiques (d’autres moments sont prévus pour d’autres communautés professionnelles) un moment de présentation et d’échange autour du livre, en visio, le 23 janvier de 13h30 à 14h30. Pour vous inscrire (et recevoir le lien), c’est par ici.

Le prochain édito de l’infolettre de Vraiment Vraiment sera consacré au sujet, avec le point de vue d’une agence de design des politiques publiques. Pour ne pas rater ça et vous abonner, c’est par là.